Prix des jeunes talents vfg 2010

05.11 — 28.11.2010

Pour la troisième fois consécutive, le Centre de la Photographie Genève (CPG) présente les lauréats du prix pour les jeunes talents que l’association suisse des photographes créateurs (Verein fotografischer Gestalter) propose pour la 14ème fois.

A chaque édition, la manifestation gagne en renommée, en moyens et en nombre de prix, le dernier né étant le « prix spécial vfg ». Le catalogue aussi, édité depuis 2001, prend chaque année plus de poids, au sens littéral comme au sens figuré. L’exposition est d’abord présentée à Zurich en mai, un jour avant les Swiss Photo Awards, puis les 10 meilleures séries sont exposées à Bâle avant l’ultime station genevoise en automne. En moyenne, 200 jeunes artistes envoient un dossier, et c’est un jury indépendant composé de 5 personnes (travaillant dans les domaines de la photographie commerciale, la publicité, les mass-média et l’art contemporain), jury renouvelé chaque année, qui sélectionne 10 travaux, et attribue 5 prix, dont le premier, d’un montant de 5000 CHF, est offert par l’agence de photographie de presse Keystone.

Cette année, les prix sont allés à Michael Fent (1er prix), Thomas Rousset (2ème prix), Elise Guillod (3ème prix) et Simon Tanner (4ème prix). Le prix spécial du vfg est allé à Simon Tanner.

Si l’approche documentaire, tout comme dans les deux éditions précédentes présentées au CPG, domine à nouveau, le premier prix attribué à Michael Fent fait cette année sensation : l’artiste a en effet juste reproduit photographiquement des photographies d’identité d’immigrés clandestins en provenance du Kurdistan irakien, images qu’il a trouvées sur une plage en Italie du sud en 2003. Michael Fent n’est donc pas l’auteur des photographies et la qualité photographique de son travail ne dépasse pas celle d’un mauvais photomaton. Nous retrouvons ici une voie qui, depuis les années de l’art conceptuel et plus précisément depuis les débuts de l’œuvre de Hans-Peter Feldmann (montré au CPG en 2003), met l’accent sur l’aspect informatif de la photographie au détriment de la notion d’auteur. Autrement dit, l’auteur agit en spectateur, tandis que la personne représentée est elle aussi potentiellement productrice d’image. On peut donc dire que tant l’auteur que le sujet représenté sont aujourd’hui des diffuseurs d’images, et que leur principal objectif est la transmission d’une information. Cette pratique n’appartient donc plus exclusivement au milieu de l’art contemporain, mais elle est devenue un lieu commun, à toutes les échelles de production et de distribution d’images dans le monde d’aujourd’hui.

Les membres du jury 2010 soulignent le manque d’audace expérimentale, mais relèvent en même temps l’excellence dans la représentation de sujets dits « clichés », mis ici en image de manière hors normes. Par ailleurs, nous pouvons observer un « Röstigraben » entre la partie alémanique et romande mais, étonnement, à l’inverse de celui que l’on connaît. En effet, si les suisses allemands ont généralement la réputation d’être plus stricts et carrés, nous pouvons observer ici que ce sont leurs artistes qui sont le plus trash dans leur travaux photographiques, contrairement aux romands, en général plus « latins » et supposés cool, dont l’esthétique est ici bien plus rigide et dépouillée. A croire que l’influence du Bauhaus aurait définitivement quitté Zurich pour guider les étudiants à Lausanne et Vevey, pour ne citer que ces deux villes.


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