Zerrissene Gesellschaft. Ereignisse Von Langer Dauer / Une société déchirée. Des événements de longue durée
CURATEURS : ANNE KÖNIG ET JAN WENZEL

12.09 — 28.10.2018

Une exposition produite par 8. Festival für Fotografie f/stop Leipzig

Comment est-il possible de traduire en images des processus économiques ? Dans les années 1920, Sergueï Tretiakov, un des auteurs les plus influents de l’avant-garde soviétique, écrivait que le monde moderne devenait descriptible non pas du point de vue de chaque être humain, mais à partir des processus économiques. Au lieu de considérer les biographies des hommes, il fallait prendre en compte les biographies des choses. Si l’on traçait les choses sur leur route vers le monde, de leur statut de matière première jusqu’à leur incarnation en marchandise, les relations humaines, les points de contact, les contradictions et les conflits seraient bien plus lisibles.

Dans « Wege einer Ware (Les chemins d’une marchandise) » - l’histoire en images de Paula Bulling et Anne König - il est montré comment un arbre, qui a poussé dans les forêts du sud de la Finlande, est transformé en planches et expédié en Égypte pour devenir un bateau de pêche, puis échoue dans le cimetière de bateaux pour réfugiés de Lampedusa. L’association berlinoise Cucula, qui offre aux réfugiés des possibilités de formation professionnelle, fabrique avec le matériau provenant de ces embarcations des chaises design ; c’est ainsi que le bois de Finlande atterrit finalement au siège officiel de Facebook en Californie.

Dans l’exposition « Zerrissene Gesellschaft. Ereignisse von langer Dauer / Une société déchirée. Des événements de longue durée », les curateurs, Anne König et Jan Wenzel, modifient l’idée de Sergueï Tretiakov : pour représenter le 21èmesiècle, il n’est peut-être pas suffisant de suivre les marchandises, mais il faut plutôt retracer les crises et les ruptures dans les processus économiques.

L’exposition débute en 1990, une année charnière de l’histoire récente. La série « Luxus Arbeit (Luxe Travail) » de Christine Eisler et Silke Geister montre des places de travail de femmes en Allemagne de l’Est peu avant la chute du mur et qui, peu après la prise de vue, ont disparu. Le photographe Harald Kirschner a photographié à la même époque une fabrique de grues qui venait d’être fermée, mais où les traces de la production restent partout visibles. Matthias Hoch saisit une situation similaire vingt ans plus tard à Francfort : il montre la tour de la Dresdner Bank complètement vidée juste après son rachat par la Commerzbank. « La Vallée, une archéologie photographique » de Nicolas Giraud et Bertrand Stofleth (dont le CPG a présenté en 2015 la série « Rhodanie »), se consacre aux changements économiques dans l’une des régions industrielles les plus anciennes de France, entre Firminy, Saint-Étienne et Lyon. Ici, les processus économiques se sont inscrits eux-mêmes dans le paysage. De même, les photographies de Susanne Kriemann documentent les conséquences sur le paysage, suite aux exploitations d’uranium dans les monts Métallifères en Allemagne (Erzgebirge) ou encore les projets immobiliers espagnols restés inhabités de Jürgen Nefzger.

L’exposition présentera dans un nouveau contexte quelques travaux montrés en juin 2018 lors du festival de photographie f/stop à Leipzig. Une des intentions des curateurs, Anne König et Jan Wenzel, est de sensibiliser le public à travers la photographie aux événements de longue durée. Ils écrivent dans la publication qui a accompagné le festival : « Les nouvelles donnent une mesure de l’actualité en journées. Mais ceci est un leurre, car les événements ont une vie après avoir été événement. Le 20èmesiècle a accouché de médias techniques, qui ont accéléré les images et ont permis leur diffusion en tant que news, sorte de contemporanéité comprimée : les magazines, la télévision et lors de la dernière décennie, Internet. Ce dont nous avons le plus besoin en ce début de 21èmesiècle, c’est de formes, ou autrement dit de récipients, afin de garder les événements qui remontent à vingt ou trente ans, aussi présents que possible pour comprendre qu’ils forment, autant que les news, notre contemporanéité. Notre perception a besoin d’un rayon plus large, les nouvelles du jour ne suffisent plus, car l’histoire, comprenant tous les temps antérieurs, empiète dans chaque journée : c’est le petit principe fondamental de l’anthropocène. Nous devons apprendre pour bien comprendre. »


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